Le fleuve d'argent, de Pham Duy Khiêm

"Chuc Nu", l'une des plus belles parmi les filles de l'Empereur de Jade, était la plus adroite et la plus laborieuse. Chaque matin, elle allait retrouver son métier à tisser sur les bords du Fleuve d'Argent, et jusqu'au soir, ses pieds appuyaient sur les pédales, tandis que ses mains se renvoyaient la navette fuselée. C'était elle qui habillait toutes les "tiên" (fées) de la cour, et c'est pourquoi son métier mêlait sans relâche son bruit régulier à la chanson des flots d'argent.
Tous les jours, le berger "Nguu Lang" menaît paître les troupeaux de l'Empereur le long du fleuve. Tous les jours il voyait la diligente princesse à sa tâche, et il ne pouvait se lasser d'admirer la perfection de son visage et la grâce de ses mouvements.
Or ce jeune pâtre était beau, si bien que "Chuc Nu" ne put demeurer longtemps insensible à ses regards. Et "Nguu Lang" n'osa croire à son bonheur. Quand l'Empereur s'aperçut de leur inclination mutuelle, il ne la contraria point, mais leur permit de s'épouser, exigent seulement que chacun d'eux continuât son métier après leur mariage.
Au milieu des délices partagées, "Nguu Lang" et "Chuc Nu" oublièrent hélas! l'ordre de l'Empereur. Les paysages du ciel offraient leur cadre de rêves aux promenades sans fins des jeunes amoureux, qui négligèrent complètement les travaux d'autrefois devenus sans attraits. Laissés à eux-même, les troupeaux vagabondaient à travers les champs du ciel. Le métier ne faisait plus entendre son chant actif et les araignées venaient y tisser leurs toiles.
L'Empereur de Jade se montra aussi sévère qu'il avait été bon. Il sépara les deux époux, qui durent reprendre leur occupations, chacun d'un côté du Fleuve d'Argent. Et depuis lors, tous deux regardent par-dessus la nappe lumineuse: loin l'un de l'autre, ils ne cessent de penser à l'autre.
Une fois par an, il leur est permis de se rencontrer: au septième mois, qui s'appelle ainsi "le mois des Ngâu" (autre prononciation du mot "Nguu"). Chaque fois qu'ils se retrouvèrent, "Nguu Lang" et "Chuc Nu" versent des larmes de joie; ils pleurent de nouveau quand vient le moment de la séparation. C'est pourquoi les pluies tombent si abondamment au septième mois, les "pluies de Ngâu". De plus, si vous allez à la campagne à cette époque de l'année, les paysans vous font remarquer la disparition des corbeaux: ils sont montés au ciel pour porter le pont qui permet aux époux de se rejoindre."

3 nhận xét:

Nặc danh nói...

j'aime beaucoup ce genre d'histoire, c'est très beau !

Nặc danh nói...

j'adore les contes vietnamiens, encore plus avec ta voix coquine!

Nặc danh nói...

Merci beaucoup Jade d'avoir lu le début de ma saga de l'été ^^.

Cela me permet aussi de découvrir ton blog et entre autre ce conte qui, bien qu'un peu triste à mes yeux, est des plus charmants.